Plus d’actualité que jamais, les dix-sept Objectifs de Développement Durable des Nations unies répondent aux défis mondiaux auxquels les entreprises sont confrontées. De la pauvreté au climat, en passant par les inégalités et la paix, ils défient les leaders dans leur capacité à conduire un changement prenant en compte l’ensemble des impacts potentiels sur le vivant.
Lorsqu’ils conçoivent tous types de projets, les leaders négligent bien souvent l’étendue de leurs répercussions. Ne dit-on pas que « le battement d’ailes d’un papillon au Brésil peut-il provoquer une tornade au Texas » ? Focalisés sur leur objectif, convaincus du bienfondé de leur initiative, les leaders méconnaissent parfois certaines conséquences négatives inattendues. Un exemple avec la gestion de l’outil numérique : de plus en plus d’organisations prennent en compte les différents aspects de la vie des systèmes d’information. Concrètement, plutôt que de se concentrer uniquement sur leur impact direct, elles considèrent d’autres dimensions telles que l’influence sur l’environnement, sur la santé, mais aussi l’éducation. Pourtant, ce constat n’est pas encore suffisamment partagé ou même compris par les organisations. Une solution pour éviter cet écueil : faire de ce risque une opportunité de transformation et non une simple solution de promotion marketing.
Think global, act local
Nous vivons dans un monde de plus en plus interconnecté, où la moindre action peut entraîner des répercussions inattendues. Dans ce contexte, les leaders ont la responsabilité de penser leurs projets au-delà du seul objectif qu’ils se sont fixés. En effet, l’enfer est pavé de bonnes intentions. Ainsi, les projets les plus vertueux peuvent parfois être à l’origine d’impacts néfastes sur la société et, une fois lancés, il est difficile de les arrêter.
Prenons le célèbre exemple de la philosophe Philippa Foot : si l’on se trouve dans un tramway dont on ne peut pas freiner la course. La seule option : dévier ou non sa trajectoire au passage d’un embranchement. Sur l’une des voies se trouvent cinq personnes, sur l’autre voie, deux personnes. Qui décidons-nous de sacrifier ?
Les leaders font face au même dilemme dans leurs projets. Les programmes d’éducation dans les pays en développement, par exemple, mobilisent des enseignants venant de l’étranger. Entre l’éducation des jeunes générations et la protection de l’environnement, menacée par ces déplacements, que devra sacrifier le leader ? Le développement de la microfinance en Inde illustre encore mieux les effets pervers que peuvent entraîner les projets les plus vertueux. Les micro-crédits sont initialement destinés aux femmes de condition modeste, afin d’encourager leur émancipation par l’accès aux soins, à la mobilité et à l’entrepreneuriat. Pourtant, de nombreuses études ont constaté l’échec d’une partie de ces programmes : exacerbation des violences intraconjugales, renforcement de la domination patriarcale via les agents de crédit, enfermement des femmes dans des secteurs peu productifs, etc. Convaincus du bien-fondé de leur objectif initial, les porteurs de projet ont négligé l’étendue des obstacles qu’ils croiseraient sur la voie de la réussite.
S’ils ne veulent pas se retrouver face à ce type de dilemme, il est impératif que les leaders trouvent un équilibre entre les causes qui les inspirent et l’étendue des enjeux induits par leurs actions.
Développement durable oui, « ODD washing » non !
De plus en plus de grandes entreprises, mais aussi de PME, s’emparent de ces Objectifs de Développement Durable. Elles sont ainsi près de 1 800 à être membres signataires du Global Compact France, mandaté par l’ONU pour accompagner leurs démarches responsables notamment par l’intégration des Objectifs. Plusieurs comme Schneider Electric les intègre même au coeur de leurs orientations stratégiques : une partie de la rémunération variable des cadres s’appuie sur des objectifs chiffrés associés à chaque Objectifs de Développement Durable. Un élément positif qui traduit l’engagement des entreprises en faveur d’une nouvelle économie de la transition.
Néanmoins, ce constat doit être nuancé. 70% des entreprises ayant intégré un ou plusieurs Objectifs de Développement Durable dans leur feuille de route n’ont pas transformé leur modèle d’affaire en conséquence. La raison ? Elles n’y voient pour le moment aucun
« avantage concurrentiel ». En d’autres termes, aucun bénéfice économique. Plusieurs observateurs ont ainsi parlé « d’ODD washing », un risque important qui pourrait altérer la réputation des entreprises, mais aussi et surtout les progrès vers une économie plus durable.
Fort heureusement, comme le souligne une étude de Novethic, de plus en plus d’agences de notation extra-financières et de fonds d’investissement évaluent les projets à l’aune d’une grille de lecture axée sur les Objectifs de Développement Durable. Cela s’explique par la volonté de favoriser des projets pérennes, qui seront en mesure de s’inscrire dans le temps. Une évolution positive, qui doit offrir aux leaders l’opportunité de poursuivre le
« développement durable » de leur entreprise au bénéfice de l’ensemble de l’écosystème !