L’obligation de loyauté, à la base de tout contrat de travail
Comme tous les collaborateurs de l’entreprise, vous devez respecter une obligation de loyauté, un devoir qui n’est jamais mentionné dans votre contrat de travail car cela coule de source, ainsi vous êtes tenu à :
– utiliser les outils numériques que vous fournit votre employeur dans un but uniquement professionnel
– vous abstenir de toute critique ou dénigrement de votre employeur par tous médias, et bien sûr sur les réseaux sociaux
– ne pas diffuser d’informations confidentielles sur l’entreprise
Ainsi, lorsqu’un licenciement contesté aux Prud’hommes implique l’utilisation d’un outil numérique, les juges examinent toujours l’affaire au regard de l’obligation de loyauté et sous l’angle de la durée des connexions personnelles durant les temps professionnels et sous celui du contenu litigieux publié sur les réseaux sociaux.
La durée des connexions passée au crible et remise
dans son contexte
Concernant la durée des connexions aux réseaux sociaux durant les temps de travail, la loi autorise une utilisation « raisonnable » d’Internet à usage personnel, à condition de ne pas entraver le fonctionnement de l’entreprise.
En cas de licenciement et de litige, les juges combinent ici différents critères pour appliquer la loi, comme la fréquence, la durée et l’horaire des connexions, mais aussi la productivité du salarié incriminé et son poste de travail. Certains métiers nécessitent une connexion Internet fréquente et/ou sur des sites qui peuvent passer pour des navigations personnelles, comme les missions de community management, de recruteur, de commercial…). Le préjudice fait à l’entreprise par l’utilisation abusive d’Internet à des fins personnelles est également un aspect pris en compte par les juges pour confirmer ou infirmer la décision de licenciement.
L’abus de liberté d’expression, un motif valable de licenciement
Après la durée des connexions personnelles, les jugent analysent le contenu publié sur les réseaux sociaux, car la liberté d’expression a ses limites (surtout lorsque les propos sont écrits) ! On parle d’ailleurs d’abus de liberté d’expression comme motif tout à fait légal de licenciement pour faute grave, avec départ du salarié sans préavis ni indemnité. L’arrêt rendu à Toulouse le montre bien. Même des propos tenus dans un compte privé peuvent justifier un licenciement, pour peu que le salarié incriminé oublie de déconnecter sa session avant de quitter son lieu de travail ou encore commette une erreur de paramétrage, rendant la conversation plus publique qu’elle ne devrait l’être. Si vous vous lancez dans des échanges litigieux impliquant votre employeur, sur votre lieu de travail ou chez vous, gare aux oublis, bugs divers et méconnaissances des règles de confidentialité sur vos réseaux !
La Cour de cassation prend position vis-à-vis de Facebook
Dans l’absolu, la protection de la vie privée reste la priorité. Un arrêt de la chambre sociale de la Cour de cassation daté de décembre 2017 a déclaré irrecevable des informations qu’un employeur avait extraites du compte Facebook d’un salarié concernant un autre salarié avec qui il était en situation de litige. Plus exactement, l’employeur avait argué d’une publication injurieuse postée par le salarié incriminé, mais visible uniquement des « personnes autorisées » grâce aux paramètres de confidentialité et dont le second salarié faisait partie. Ici, l’atteinte à la vie privée est avancée par les juges du fond pour motiver l’irrecevabilité du contenu, uniquement parce que les publications en cause étaient partagées sur une page à accès limité. L’arrêt ne précise pas le degré de restriction du compte, à savoir si la publication n’était accessible qu’à une poignée de contacts, à l’ensemble des « amis Facebook » ou aux « amis des amis ».
Cet arrêt s’accorde avec la position de la première chambre civile de la Cour de cassation qui admet qu’un profil Facebook « constitue un espace privé s’il est paramétré pour n’être accessible qu’à un nombre très restreint de personnes. » Là encore, le niveau de restriction reste à l’appréciation souveraine des juges en cas de litige. (Cass. 1e civ. 10-4-2013 n° 11-19.530 FS-PBI).
Obligations et bonnes pratiques pour l’employeur
Si vous êtes employeur ou responsable des ressources humaines, vous êtes susceptible de surveiller les connexions Internet des salariés (sites visités et durée) et de prononcer des sanctions si vous estimez la fréquence des navigations personnelles trop élevée.
Attention toutefois, le suivi des connexions Internet vous oblige à déclarer la démarche auprès de la CNIL et, le cas échéant, du CHSCT (Comité d’Hygiène, de Sécurité et des Conditions de Travail). Vous devez aussi en informer les collaborateurs par le biais d’une charte informatique ou de toute autre mention écrite.
Enfin, pour limiter les risques d’abus de liberté d’expression, mieux vaut rédiger une charte des réseaux sociaux à destination de vos effectifs. Vous les informez des risques encourus en cas de divulgation d’informations confidentielles ou injurieuses sur les pages et comptes publics des réseaux sociaux, mais aussi sur leurs espaces numériques privés. Vous pouvez en profiter pour rappeler les sujets confidentiels et le vocabulaire à adopter pour parler de l’entreprise et mettre en garde contre les effets potentiellement dangereux des échanges écrits conservés sur Internet.