La Théorie du Lotissement, solution à la Mondialisation1
Rien n’est moins sûr. Méfions-nous du Phénix, méfions-nous plus simplement de nous-mêmes. Mais, en admettant que Covid-19 ait vaincu le Goliath mondialisation, alors par quoi remplacer celle-ci ? Car une fois que l’on a dit qu’il faudra peut-être songer à relocaliser la production des biens stratégiques, ces bouts de tissus, ces presque riens qui, parce qu’ils manquent ont jeté tant de Nations à terre. Car une fois que l’on a dit qu’il faudra prendre beaucoup plus soin de celles et de ceux qui prennent si bien soin de nous. Car une fois que l’on a dit que cette fois, juré, on ne nous y reprendra plus… Les actions viennent (toujours) à manquer. Car s’il y a bien un enseignement des crises que nous traversons, c’est justement que nous n’en tirons jamais… aucune leçon. Ah, si seulement nous avions appris un tout petit peu du SRAS en 2003 ou de la grippe pandémique H1N1 en 2009… Ah, si seulement !
La Théorie du Lotissement1
Si nous voulons être plus forts la prochaine fois, si nous voulons nous développer à nouveau après ce traumatisme et en dépit d’avoir à vivre désormais avec le virus – si plus simplement, comme le veut Boris Cyrulnik, nous voulons être capables de résilience – si nous voulons, cette fois pour de bon, dépasser une mondialisation obsolète, dépassé, déconnecté de nos nouvelles réalités, et fossoyeur de notre environnement, la Théorie du Lotissement peut être une partie de la solution.
La Théorie du Lotissement repose sur un concept simple : ma maison a d’autant plus de valeur que la maison de mon voisin a de la valeur. Aussi, plutôt que de toujours vouloir être le plus fort, ce qui passe souvent par la volonté d’écraser l’autre, de le faire disparaître (comme si le faire disparaître allait me rendre plus grand) – que c’est autre soit un voisin, un concurrent, un État – je dois au contraire vouloir que celui-ci soit le meilleur possible. Parce que je comprends que ses qualités, ses réussites, vont créer de la valeur pour l’intérêt général de la communauté, alors c’est tout le monde qui va y gagner – que ce soit à l’échelle du voisinage, d’un secteur d’activités, ou des États.
Ce qu’il faut comprendre, c’est que nous devons abandonner ce leurre créé de toutes pièces par la mondialisation : penser que l’on grandit sa propre maison en étêtant la valeur, le faîte des autres maisons, voire en pillant le bien commun, les richesses de la Planète. Non, si on grandit sa maison, si on crée de la valeur, c’est parce que l’on travaille, c’est parce que l’on façonne, c’est parce que chacun, à son niveau, s’attelle à polir des pierres brutes, c’est d’abord et avant tout parce que l’on est soucieux des autres, de notre environnement et du vivant sous toutes ses formes.
Comme les arbres au cœur de la forêt, au cœur d’un lotissement, il appartient à chacun de tirer l’autre vers le haut, vers le soleil. « Dans une forêt, écrit Kant (Vers la paix perpétuelle), les arbres se contraignent réciproquement [positivement] à chercher l’un et l’autre au-dessus d’eux, et par suite poussent beaux et droits. »
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Gagnant-Gagnant pour de vrai
Changement profond dans nos manières de penser, volonté de mise en œuvre effective de la solidarité, volonté de collaboration, de respect mutuel, pour une économie plus durable et plus humaine – la Théorie du Lotissement propose des clés pour dépasser la crise et réussir le monde de demain.
La Théorie du Lotissement propose, en effet, une véritable inversion de nos façons de faire, de nos façons de penser, trop souvent petites, trop souvent défensives, parfois même indignes du genre humain. Où l’on préfère, semblable au pervers narcissique, pour paraître plus beau, plus grand, plus fort que nous ne sommes, détruire ce qui nous entoure, détruire notre environnement, mais aussi la maison des autres, le collègue, le concurrent, les autres Nations.
La Théorie du Lotissement se moque du paraître. Elle se fonde sur l’être. Comme au théâtre, je ne peux être bon que si l’autre est bon. Comprendre, quelle qu’en soit l’échelle, quel qu’en soit le secteur, que faire gagner le lotissement, c’est faire gagner chacun de nous.
Les entreprises doivent devenir des centres moteur d’éthique et de responsabilité
La Théorie du Lotissement exige donc que l’on s’approprie une nouvelle éthique. Une nouvelle éthique que l’on pourrait appeler, pour faire emprunt à Max Weber, une éthique de responsabilité. Responsabilité dans la capacité à assumer tous les résultats de ses actions, y compris en bout de chaîne sur notre environnement. Responsabilité dans la relation aux autres maisons au sein d’un même lotissement. Une nouvelle éthique qui doit être à l’origine de ce que Kant appelait l’alliance de paix.
À l’échelle des entreprises, cela veut dire, comme le voulait Dioguardi, la capacité des organisations à retrouver leur propre intelligence. Réussir, pour les organisations, à devenir, ou redevenir, de vrais lieux citoyens capables d’évoluer en même temps que l’éthique, dans l’éthique. Cela passe, pour les dirigeants, par la capacité à faire comprendre rapidement aux collaboratrices et aux collaborateurs non seulement « ce qu’ils font, ce qu’ils doivent faire et dans quel cadre, mais aussi la réalité dont ils sont les acteurs, le contexte dans lequel ils agissent et qui les conditionne et les stimule […], la mémoire des faits qui ont concouru à créer ces mêmes milieux. »
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Agir non pas conformément au devoir, mais par devoir
La Théorie du Lotissement, parce qu’elle dessine une conception radicalement nouvelle de la façon dont nous devons envisager les relations des Nations entre elles, les relations des organisations entre elles, des entreprises entre elles, mais aussi des partis politiques entre eux, et même des personnes entre elles, jusqu’aux relations à l’intérieur de chacune de ces structures, doit devenir un levier, une pratique, une énergie, une joie. À cette condition-là, seulement, cela peut marcher. À cette condition-là, seulement, la Théorie du Lotissement pourra s’imposer comme une véritable alternative à la mondialisation et son cortège de violences.
Tout aimer et ne rien envier. Clé de voûte du bien-vivre ensemble, la Théorie du Lotissement instruit un nouvel ordre : il existe entre nos maisons à tous, une parenté commune, un bien commun inaliénable, un vouloir-vivre vertueux ancré dans le lien à l’autre maison et à notre environnement.
Que jamais plus demain, lorsqu’on nous demandera des nouvelles de la maison voisine, nous puissions répondre comme Caïn à qui on demandait des nouvelles d’Abel : « Cela ne me regarde pas »