Salaire des cadres : une année en trompe l’œil ?

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Ce qui est rare est cher. Ces dernières années, cette maxime semblait taillée sur mesure pour les cadres. Et 2020 s’annonçait sous les meilleurs auspices pour ces profils recherchés sur le marché du recrutement. Une situation de plein emploi et des difficultés persistantes des employeurs à dénicher les candidats adéquats, leur assuraient des progressions de salaire record. Le rapport de force était en leur faveur, les cadres le savaient et naturellement, en tiraient profit.

La crise de la Covid-19 a brutalement sifflé la fin de la partie

En quelques semaines à peine, le rapport de force s’est inversé. En 2020, les cadres ont à nouveau vu leur fiche de paie progresser de 2,3%[1], dans la lignée de 2018 et 2019. Mais ce dynamisme est un leurre, cette progression, un trompe-l’œil. De toute évidence, elle ne reflète pas le retournement du marché et la déflagration du confinement. Trois raisons majeures expliquent ce paradoxe. D’abord, la majorité des négociations salariales ont eu lieu en début d’année, dans un contexte très favorable pour les cadres. Ils étaient également très courtisés et n’hésitaient pas à changer d’employeur. Or, la mobilité professionnelle va de pair avec une tendance à la revalorisation. Enfin, ces dernières années, les employeurs se sont mis à privilégier les augmentations individuelles, pour attirer ou conserver les talents dans leurs effectifs, alimentant ainsi la surenchère salariale.

2021 sera l’année de la modération salariale pour les cadres

La rentrée devrait amener son lot de restructurations. Des secteurs industriels majeurs, gros pourvoyeurs d’emplois, souffrent. D’ici la fin de l’année, les cadres seront plus disponibles, réduisant en partie la tension sur le marché de l’emploi. Ceux qui conserveront leur poste seront moins “appétents” à la mobilité professionnelle et auront tendance à faire primer la sécurité de l’emploi sur la quête d’un mieux disant salarial. Cette tendance à la sédentarisation n’alimentera plus les salaires à la hausse. Le constat est sans appel : ce sont désormais les employeurs qui ont l’avantage.

La crise aura aussi ses gagnants

Alors 2021, année maussade pour les cadres ? C’est peut-être aller un peu vite en besogne. Dans le monde d’après, il y a cadre et cadre. La crise aura aussi ses gagnants. Le confinement a accéléré la transition numérique des entreprises. Selon l’ANDRH,  40% des salariés se sont retrouvés du jour au lendemain en télétravail. Nombre d’entreprises ont dû adapter dans la précipitation leur offre et se convertir au digital. Le e-commerce, déjà très puissant, est ressorti  encore renforcé de la crise. Cette accélération du mouvement engendre des problématiques nouvelles. Les enjeux de cybersécurité ou le déploiement de réseaux télécoms, pour ne citer que deux exemples, nécessitent de recruter des ingénieurs et des cadres spécialisés dans ces domaines.

La digitalisation des entreprises va plus vite que les compétences disponibles. Les artisans de cette transformation sont rares. Ils l’étaient avant la crise, ils le sont encore plus  après. Ceux-là vont être choyés, désirés, convoités. Ceux-là auront tout intérêt à alimenter la guerre des talents qui continue à faire rage et pour laquelle les entreprises fourbissent leurs armes.

On parle ici des ingénieurs en cybersécurité, des spécialistes du cloud, des UX designer ou des chefs de produit marketing. Mais au-delà de ces profils « digital native », les métiers plus traditionnels se convertissent au numérique à grandes enjambées. Dans la construction, par exemple, le BIM manager (Building Information Modeling) optimise le suivi des chantiers en coordonnant tous les corps de métiers et les étapes de construction grâce à la data. Ceux-là aussi sont rares et, par conséquent, chers.

2021 sera une année de modération globale pour les cadres, à l’exception des chevilles ouvrières de la transition numérique. Mais tout n’est pas morose pour eux, notamment pour ceux qui feront preuve d’agilité et de prise d’initiative. Cette pénurie de profils digitaux crée des opportunités. Les employeurs  commencent à comprendre qu’ils auront du mal à attirer les meilleurs profils. Ils devront miser sur les soft skills, et notamment la capacité des cadres à ouvrir leur horizon professionnel et à se former. La révolution numérique fait évoluer tous les métiers et demande des qualifications plus élevées. A condition d’en avoir conscience et de relever le défi des compétences, les cadres ont toutes les cartes en main pour renverser la situation.
[1] Baromètre Expectra des salaires cadres 2020 – Septembre 2020

 

Khaled Aboulaïch, Directeur général d’Expectra: Khaled Aboulaïch, 43 ans, titulaire d’un DESTU en Management de la qualité de l’université de Toulon et diplômé d’un Executive MBA de l’ESCP Business School en 2010. Après deux années d’alternance au sein du service Qualité du groupe Adecco, il débute sa carrière en 2001 chez Expectra, filiale nouvellement créée du groupe Randstad. Il occupe le poste de Responsable Qualité puis devient Directeur Méthodes et Qualité en 2003. A partir de fin 2009, Khaled Aboulaïch prend des responsabilités opérationnelles de Directeur de Région en Ile-de-France avant d’être nommé Directeur des Opérations France Nord en 2017. En juillet 2020, Khaled Aboulaïch est nommé Directeur général d’Expectra et intègre le comité exécutif du groupe.