Charles Pépin – Revers cinglants et échecs douloureux, vous connaissez. Tant mieux ! car les échecs sont des butins et parfois de véritables trésors », selon le philosophe Charles Pépin, dans son livre Les vertus de l’échec. Très mal perçu et vécu en France, l’échec revêt d’énormes avantages. Charles Pépin vante l’échec pour mieux réussi
Mieux se préparer à l’échec d’après
« La vraie première vertu de l’échec est de mieux nous préparer à l’échec d’après », expose Charles Pépin, qui intervient très régulièrement dans de nombreuses entreprises de l’Hexagone. « Ceux qui connaissent un échec dur s’en relèvent d’autant mieux s’ils ont déjà connu de petits échecs dans le passé car ils ont compris que ce n’était pas un drame et ils en sortent vraiment grandi ». Ainsi, Richard Branson, l’audacieux patron britannique de Virgin, évoque ses échecs sans complexe. Depuis qu’il a fondé Virgin, il a lancé des produits comme le Virgin Cola en 1994 ou en 2004 le Virgin Player, un lecteur MP3 rebaptisé le « Pabo ». Des flops qui au lieu de l’anéantir l’ont rendu plus fort. « On a l’impression qu’échouer ne lui déplaît pas », écrit ainsi Charles Pépin.
Développer l’empathie
Charles Pépin souligne d’ailleurs une autre vertu de l’échec, le développement de l’empathie. « On devient plus empathique, davantage bienveillant lorsqu’on a été nous-mêmes confrontés à l’échec ».
Il n’y a pas de plus odieux dirigeant que celui qui a toujours réussi. Et c’est peut-être parce que Xavier Niel a essuyé toute une série de revers avant de connaître le succès avec Free qu’il fait partie aujourd’hui des dirigeants humanistes et bienveillants envers la jeune génération. « Parrain du Web français », il a ainsi lancé en 2010 un fonds d’investissement pour aider les jeunes pousses, il n’est jamais avare d’un conseil auprès des startupers et a fondé l’école 42 pour « former les Bill Gates de demain ».
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Apprendre l’humilité
L’échec, c’est aussi la meilleure manière de rendre humble. « Avant d’être obligé de quitter Apple (en 1985), Steve Jobs est devenu un être arrogant, ivre du succès fulgurant de la société informatique qu’il a créée dans le garage de ses parents (…) Cela lui fit perdre le contrôle de sa société, en même temps que le contact avec le réel (…) Cet échec lui offrit la leçon d’humilité dont il avait besoin », écrit Charles Pépin. Et quelques années plus tard, Jobs est revenu triomphalement chez Apple.
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Une chance de se réinventer
Echouer, c’est aussi s’offrir une « chance de se réinventer », « une occasion de bifurquer ». Avant de réussir avec Criteo, co-fondée en 2005, Jean-Baptiste Rudelle a connu, ce qu’il appelle lui-même « le super-échec » avec sa première start-up. Mais cela l’a conduit à utiliser la technologie mise en œuvre dans une direction autre : vendre de la publicité ciblée sur Internet. Criteo est aujourd’hui valorisée à 2,41 milliards de dollars. Même chose pour le futur patron japonais de Honda, qui échoua à son entretien d’embauche pour devenir ingénieur chez Toyota avant de créer sa propre entreprise et devenir une marque reconnue mondialement.
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Développer une force, une joie de vivre
Enfin, échouer, c’est se sentir vivant car quoi de plus triste qu’une vie teintée de réussite, sans adversité, sans difficulté. « Je rencontre très souvent des cadres qui n’ont pas eu la chance d’échouer. Ils ont un bon poste dans une grande entreprise, ils sont dans la norme mais sont un peu éteints, presque morts », témoigne Charles Pépin. Portés par l’idée de continuer dans une voie où ils réussissent assez facilement, ils ne se posent pas de questions, ils ne savent pas à quoi ils aspirent vraiment. Pire, certains n’osent pas se lancer dans autre chose, par peur de l’échec. Et pourtant : « Une vie vraiment riche, c’est une vie où s’alternent succès et échecs, estime le philosophe. Certes, ces derniers peuvent être douloureux, mais qu’est-ce qu’on apprend ! ». Ceux qui ont échoué ont développé une force, une combativité, une joie de vivre. Aimons donc l’échec !
Charles Pépin, 43 ans, agrégé de philosophie, diplômé de Sciences Po Paris et d’HEC, enseigne la philosophie à la Maison d’éducation de la Légion d’honneur et à l’Institut d’Études politiques de Paris. Auteur d’une dizaine de livres traduits dans une vingtaine de pays et de bandes dessinées best-sellers autour de la philosophie et des philosophes.
Ses romans : « Descente » (Flammarion), « Les Infidèles » (Flammarion), « La Joie » (Allary Éditions et Folio)
Ses essais : « Une semaine de philosophie » (Flammarion), « Les Philosophes sur le divan – Quand Freud rencontre Platon, Kant et Sartre » (Flammarion), « Qu’est-ce qu’avoir du pouvoir ? » (Desclée de Brouwer), « Ceci n’est pas un manuel de philosophie » (Flammarion), « Un homme libre peut-il croire en Dieu » (Éditions de l’opportun), « Quand la Beauté nous sauve » (Robert Laffont), et « Les Vertus de l’échec » (Allary Éditions)
Ses bandes dessinées : « La planète des sages – Encyclopédie mondiale des philosophes et des philosophies », en collaboration avec Jul (Dargaud) vendue à 200 000 exemplaires, et « Platon La Gaffe – Survivre au travail avec les philosophes », avec Jul (Dargaud vendue à 100 000 exemplaires.