1 – Les débuts d’Internet
Certains d’entre nous se souviendront peut-être des débuts d’internet. Le web 1 était très artisanal, les initiés étaient rares, des geek-mystiques en vêtements moches et lunettes à double foyer. C’était obscur mais simple : eux, ces développeurs, ils contrôlaient la situation, vous bricolaient une boutique en ligne, vous créaient une landing à votre image. Puis il y a eu le début des réseaux sociaux et la douce époque du buzz. Avec un bon concept, on pouvait faire le tour du monde, et pour pas cher. Beaucoup s’y sont essayé, quelques-uns ont réussi quelques très jolis coups. Ensuite la traumatisante ère de l’influence, les marques ont réalisé que sur le web, certains s’étaient réveillés avant elles et avaient nettement plus d’aura. Après l’effroi initial, on s’est vite rasséréné, car comme tout bon mercenaire, un influenceur/créateur de contenu, ça s’achetait.
Puis il y a eu le Covid, en trois ans seulement le digital a vécu plus de mutations que les dix années précédentes. Le digital d’aujourd’hui porte de nouveaux noms : référencement payant, SEO, algorithmes de contenus, blockchain, NFT, Chatbots, IA conversationnelle.
2 – Internet aujourd’hui
Rendons-nous à l’évidence, on a tous du mal à suivre. Le web devient toujours plus épuré, ultra-fluide, presque invisible, et pourtant omniprésent et d’une complexité hors norme. Car pour grignoter des parts de marché à l’économie réelle, et pour répondre à l’exigence croissante des utilisateurs, les géants du web n’ont eu d’autre choix que de tout automatiser. Aujourd’hui, les GAFAM ont légué le contrôle à la toute-puissance algorithmique, à des IA plus ou moins développées. Et cette révolution rebat les cartes du métier de communicant. D’abord car l’internet d’aujourd’hui n’accorde qu’un intérêt relatif à l’originalité, l’esthétisme ou à notre subjectivité. Pour lui, un « beau » site, c’est surtout un site qu’il peut scroller sans encombre. Un « bon » contenu, ressemble en temps et pour tout à un contenu déjà présent dans une base de données. En d’autres termes (et les prompteurs l’ont bien compris) une vraie bonne web-idée, ce sont deux idées qui existent déjà et qu’on mélange pour en faire un joli paquet marqué « NOUVEAU ! » dessus. Vous allez nous dire, « Et la mediat’ alors, ça au moins ça change pas. ». Il est vrai que la web-machine, dans sa grande mansuétude, accepte encore de mettre en avant les contenus financés par les utilisateurs. Elle respecte encore la sponsorisation. Mais après tout pourquoi la rejeter quand les bénéfices engrangés serviront à perfectionner ses algos, à la rendre encore plus autonome, encore
plus libre ?
3 – Tout change sauf notre regard
Alors oui, tout ça, on le sait déjà. Mais pourquoi on reste toujours aussi coincés à penser comme avant ? Pourquoi on continue à « décliner » nos campagnes TV, à sélectionner un influenceur comme on identifie un carrefour d’audience, à s’amuser de la hype et de l’effondrement des NFTs, et à voir ChatGPT comme un moyen de faire notre travail exactement de la même manière, mais en travaillant moins. En fait, on n’a toujours pas compris que le digital n’était plus un media. Ce n’est pas une télévision qu’on finit par éteindre ou un journal qu’on plie et range sous le coude. Les gens ne passent pas d’un monde à l’autre, ne « consacrent » pas un temps au digital et un autre à la vie, ils sont connectés comme ils respirent, sans le notifier. Et le digital quant à lui, évolue sans relâche, organiquement, et prend constamment le pouls des connectés. C’est devenu un macro-organisme multicellulaire et protéiforme, où une multitude d’espèces web-endémiques mutent et luttent pour survivre.
C’est la web jungle. Un écosystème qu’il ne faut pas chercher à apprivoiser (même les GAFAM ont renoncé), mais sur lequel nous devons à tout prix apprendre à naviguer. Pour qu’on arrête une bonne fois pour toute d’y déployer des campagnes inadaptées, esseulées et complètement anachroniques. Des chatons d’appartements perdus dans la forêt vierge.
4 – Naviguer sur la Web Jungle
L’immense paradoxe réside dans le fait que, pour les utilisateurs, naviguer, scroller, swipper sur la web jungle n’a jamais été aussi simple. Pour eux, ce n’est pas un problème, c’est même l’inverse, le digital gomme les frictions, accélère les échanges (et les horaires de livraison), repose l’esprit, et meuble le quotidien. C’est pourquoi, pour nous intégrer, nous, les agences, les marques et tous les communicants devrions nous approprier cette attitude nouvelle qui oscille entre opportunisme, impatience et flemme. Pour que nos campagnes ne sentent plus « la sueur du réel ». Car elle est là la clé de notre mutation digitale, dans cette culture du moindre effort. Même si pour y parvenir, il faut en faire énormément. Car une marque et un individu resteront toujours deux entités bien distinctes qui ne partageront jamais les mêmes objectifs et besoins. La mutation sera loin d’être facile à opérer, mais il nous faut apprendre à ressembler à ce que le web et les gens ont créé.
La best practice pour s’épanouir dans la webjungle serait donc cet « air de rien », ce flegme piquant, cette nonchalance souvent goguenarde que partagent les marques qui vivent heureuses sur le web et les réseaux sociaux. Cette posture si légère, et pourtant si difficile à trouver. Cet « air de rien » qui transforme des chatons, en félins.
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