Des serviteurs de l’Etat à Pôle Emploi
Si l’Etat utilisait pour ses ministres les mêmes processus de recrutement que les entreprises pour leurs collaborateurs, je ne sais pas si le pays s’en porterait mieux. En revanche, ce dont je suis sûr, c’est que beaucoup de prétendus « serviteurs de l’Etat » émargeraient à Pôle Emploi. Car ils n’ont pour la plupart, ni le profil, ni les compétences, ni véritablement l’expérience qui les rendraient légitimes pour exercer leurs fonctions. Sans parler de leur âge qui en disqualifierait une bonne partie, étant entendu qu’à 50 ans passés, il devient très compliqué d’obtenir ne serait-ce qu’un entretien suite à une candidature à une offre d’emploi. Quant à leurs résultats, ils sont si piteux qu’ils ne feraient pas de vieux os s’ils avaient à les défendre devant un conseil d’administration.
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Nommer un problème ne suffit pas à le résoudre
Je ne sais pas si vous l’avez remarqué, mais les technocrates, lorsqu’ils sont démunis face à une problématique, commencent toujours par inventer des mots pour la nommer. Comme si cela pouvait suffire à nous faire croire qu’ils ont pris la mesure du problème.
La problématique de l’emploi n’échappe pas à la règle, il semble même que ce soit un champ d’innovation lexicale fertile. Parmi ces innovations relevons la flexi-sécurité qui fleure bon l’oxymore et consiste, si j’ai bien compris, à associer la flexibilité (traduisez précarité) avec la sécurisation des parcours professionnels. Il est vrai qu’il est plus facile de créer de nouveaux concepts que de trouver des solutions efficaces à des problèmes tels que la montée inexorable du chômage. Parmi ces néologismes qui fleurissent, sans doute pour nous donner l’illusion que les responsables maîtrisent la situation, il en est un qui mérite qu’on s’y arrête quelque peu.
L’employabilité, un concept inventé par les experts
Depuis deux décennies environ, les experts de l’emploi ont inventé le concept d’employabilité. Faute de savoir conjurer le mal, ils ont donc mis un nom sur ce qui en serait la cause. Selon le Ministère français de l’emploi, l’employabilité est « la capacité d’évoluer de façon autonome à l’intérieur du marché du travail, de façon à réaliser, de manière durable, par l’emploi, le potentiel qu’on a en soi… l’employabilité dépend des connaissances, des qualifications et des comportements qu’on a, de la façon dont on s’en sert et dont on les présente à l’employeur ».
OK, pourquoi pas après tout. Et de là à considérer que la solution au chômage passe par le développement de l’employabilité des demandeurs d’emplois, il n’y avait qu’un pas que les prétendus experts, en quête de solutions, ont franchi allègrement.
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C’est la faute des demandeurs d’emploi
S’il y a du chômage, disent les experts, c’est parce que les demandeurs d’emplois ne sont pas assez qualifiés. Vous noterez au passage l’escamotage presque total des autres composantes de l’employabilité que sont les connaissances et les comportements. Ne restent plus que les qualifications, c’est-à-dire les compétences métier acquises par des formations qualifiantes, certifiantes ou diplômantes. Ce tour de passe-passe a trois avantages :
– il fait le lien avec une autre tarte à la crème de la politique de l’emploi des gouvernements successifs, depuis plusieurs décennies : la prétendue inadéquation entre les besoins exprimés par les entreprises et l’offre émanant des demandeurs d’emplois. Il y aurait en France des dizaines de milliers de postes non pourvus faute de candidats qualifiés. C’est la (je ne sais pas comment la nommer) « théorie » des métiers en tension, autre innovation lexicale remarquable, en vertu de laquelle il suffit de former les demandeurs d’emplois aux métiers considérés pour résorber le chômage. On voit ce qu’il en est après 20 ans de mise en œuvre de cette stratégie de haut vol.
– il justifie le véritable hold-up sur les financements de la formation, perpétré par l’Etat, les collectivités territoriales et les partenaires sociaux, à travers leurs nombreuses « filiales » spécialisées dans la formation continue.
– il évite à ceux qui nous gouvernent de reconnaître leurs erreurs (élections obligent), et de remettre en cause les fondements de la politique de l’emploi en vigueur dans notre pays depuis des décennies. Avec les résultats que l’on sait.
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Dans le prochain article de cette série, nous étudions les causes de l’échec de la politique de l’emploi des gouvernements successifs – de gauche comme de droite – depuis plusieurs décennies. Et dans un troisième article, nous verrons qu’il est possible de changer les règles du jeu et de les rendre beaucoup plus avantageuses pour vous. Et accessoirement vous permettre de contribuer efficacement à la lutte contre le chômage qui est une chose beaucoup trop importante pour la laisser entre les mains des politiciens.
D’ici là, vous pouvez toujours visiter le site http://spgc-carrière entièrement consacré aux problématiques de l’emploi et de la gestion de carrière des cadres et des techniciens.