Le code du travail interdit l’introduction, la distribution et la consommation d’alcool au sein de l’entreprise. A quelques exceptions près : il est ainsi autorisé de boire du vin, de la bière, du cidre et du poiré à la cantine ou lors d’évènements particuliers type : pots de départ, pots de fin d’année (art R4228-20). Le chef d’entreprise a le devoir d’interdire l’entrée et le séjour dans l’entreprise de toute personne en état d’ivresse, sous peine d’amende de 3750 euros appliquée autant de fois qu’il y a de salariés ivres dans l’entreprise.
L’alcool au bureau, un tabou
Pourtant, 16% des actifs déclarent consommer de l’alcool sur leur lieu de travail en dehors des repas et des pots entre collègues et 9,3% des consommateurs d’alcool déclarent avoir augmenté leurs consommations d’alcool du fait de problèmes liés au travail, selon le baromètre Santé de l’Inpes.
Certes, une « cuite » est assez visible, toutefois repérer une personne qui boit un peu mais de façon chronique n’est pas toujours aisé, d’autant que la gêne empêche souvent d’aborder le sujet ou nous le fait aborder maladroitement.
Lorsque l’on interroge les personnes sur ce sujet, ce qui en ressort le plus souvent c’est une frustration face une incapacité à gérer la situation, un mélange de bienveillance et de regrets. Il y a une réelle difficulté à agir pour les personnes qui subissent « l’alcoolisme » de leurs collègues et cela de façon d’autant plus importante lorsque la personne est le supérieur. « Ne pas savoir réagir, devoir faire face à l’agressivité, des directives incohérentes etc… ».
L’incompréhension est totale et les tensions dans l’entreprise montent vite et entrainent un faisceau de difficultés : conflits entre personnes, projets retardés, arrêts de travail jusqu’à la démission de certains salariés.
3 conseils pour combattre l’alcool au bureau
Face au sentiment d’impuissance généralisé et au tabou ultime qu’est l’alcool au bureau, j’ai demandé son avis à Stéphane Bernard, fondateur du cabinet Egide Conseil, reconnu pour ses solutions « hors des sentiers battus ». Confronté quelques fois à cette problématique, il en a tiré quelques idées certes paradoxales, mais intéressantes. Nous pouvons les regrouper en 3 points :
– Identification des causes de l’alcool au bureau et des liens
Penser, supposer avoir l’intime conviction qu’une personne boit ne suffit pas. Il est préférable d’établir les liens factuels de causes à effets entre la consommation et les défaillances au travail de la personne concernée. De fait, en France, la consommation est une pratique sociale fréquente et connue, tant et si bien que beaucoup ont oublié voire n’ont jamais estimé les conséquences de la consommation « ne serait-ce que » de 3 verres sur la capacité de concentration, la difficulté de finir une tâche, la fatigue…
– Le travail est une solution et non un problème
Certes le travail est souvent considéré comme étant une cause de l’alcoolisme. C’est aussi par la satisfaction dans le travail, celle d’une tâche accomplie avec succès ainsi que sa reconnaissance par le groupe que l’on procure à la personne qui boit, la possibilité de revisiter sa propre estime de soi, sa place dans le groupe, son importance, ses apports.
– L’importance de la qualité du lien relationnel
Sans jugement ni morale, avec bienveillance et une empathie « rationnelle », il faut intervenir en lui faisant constater le lien de cause à effet existant entre l’alcool et sa qualité de travail et lui demander une 1ère tache précise à effectuer et la suivre.
Dans le cas contraire, l’intervention pourrait être interprétée comme une intrusion, une violation de la liberté par la personne concernée. Ce lien est très subtil. Il faut des qualités d’empathie évidentes pour pouvoir agir dans cette situation. Si vous ne les avez pas, ne vous forcez surtout pas, référez en à d’autres personnes mieux placées que vous sur le plan relationnel pour lui parler.
N’attendez pas l’incident dû à l’alcool au bureau pour agir !
Cette méthode a marché à plusieurs reprises, il y en a d’autres certainement (n’hésitez pas à nous en faire part dans les commentaires de cet article), le sujet est délicat. Il est souhaitable également d’avertir la médecine du travail et les ressources humaines. Il ne s’agit pas de sauver l’autre, nous n’en avons pas le pouvoir. Il ne s’agit pas d’agir seul non plus, ni d’interférer dans la vie privée du salarié, de juger ou de diagnostiquer un alcoolisme.
Votre seul devoir est de ne pas fermer les yeux. L’intérêt d’une action de prévention de l’alcoolisme au travail est de faciliter les échanges entre collègues proches et des prises de consciences communes. Nombreuses sont les personnes qui ont dans leur entourage professionnel une personne souffrant de cette addiction. Une action de prévention peut être un soulagement, une opportunité ou un déclic pour en parler. Il s’agit là encore, de recentrer les entreprises sur les liens interpersonnels qui la composent.
N’attendez pas l’accident pour agir ! Un dernier chiffre pour la route : les experts estiment que l’alcoolisation sur les lieux de travail occasionne chaque année une enveloppe de 6 milliards d’euros de perte de productivité pour les entreprises nationales.
l’alcool au bureau Depositphotos Elnur