Chômeur de longue durée en France
Je parle trois langues couramment. Près de la moitié de ma carrière expatrié, avec quelques séjours en France. CFO au sein de grands groupes et d’entreprises de taille intermédiaire, voire en start-up, j’ai réussi dans des fonctions stratégiques – le grand Shared Service Center à Lyon – ou très opérationnelles en restructurant un groupe français aux USA. Il n’empêche, je suis aujourd’hui un chômeur de longue durée. Les politiques parlent peu de cette catégorie, préférant se focaliser sur les jeunes sans formation. Ils ont raison de se préoccuper du sort des jeunes. J’aimerais qu’ils se préoccupent également du sort de mes semblables.
Du marché de l’emploi français,
je fais mon deuil
Ayant fait le deuil d’un nouveau job en France, je réponds à des offres d’emploi internationales. Sans retour. Sans succès. Pourtant, des opportunités, il y en a, plus que sur le marché français en tout cas. Je comprends vite : je ne me trouve pas sur place, OK, mais ma candidature plaira-t-elle ailleurs ? Mais où partir ? J’active mon réseau Amériques du Nord et du Sud. L’Argentine s’enfonce dans une nouvelle crise, entraînant l’Uruguay. Le Mexique a fait de mauvais choix législatifs, qui découragent investisseurs et employeurs. Les US ? Difficiles sans carte verte. Le Canada ne recherche pas mon profil (selon la liste des métiers privilégiés à l’immigration). Plus loin ? L’Australie, mieux avoir moins de 35 ans, date limite du « Holiday/work visa », accordé pour un an. Le Moyen-Orient ? Pour six mois, un an, pourquoi pas, mais je suis dans une logique à dix ans. Reste l’Extrême-Orient. Je n’y ai jamais travaillé en résident, juste quelques passages pour le business. Je ne parle aucune des langues locales. Tant pis ! Ou tant mieux, car c’est le bon, le meilleur choix à faire : dynamisme de l’économie et de l’emploi, perspectives positives à mon horizon de dix ans.
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A Singapour, je renais
Arrivé sur place, je trouve une qualité d’échanges véritablement positive. Ici on veut agir, sans faux « principes de précaution » pour justifier toute absence de décision. Premier principe de stratégie : se construire un réseau local. Avant de partir, j’avais demandé quelques recommandations à des amis français qui ont vécu ou ont des relations avec l’Asie. Cela me donne 4/5 rendez-vous en arrivant, qui débouchent sur d’autres contacts, en rhizome*. Les réseaux sociaux sur internet : pour moi, c’est LinkedIn. Important : envoyer un mot à chaque nouveau contact, expliquer ma situation en deux lignes. Cela attire la sympathie. Faire comprendre sur le internet ma présence sur place à Singapour. Je complète le profil au maximum, même avec ce qui est personnel ou étranger au domaine professionnel, qui peut-être justement retiendra l’attention. Gagné ! C’est ce qui m’arrive : je suis auteur de romans, et cela permet d’alimenter le « Small talk », si important avec les asiatiques.
Comment se comporter pour réussir
En premier, respecter les règles de courtoisie et les civilités. La littérature est abondante sur le sujet ; chaque population a ses caractéristiques (Indiens, Chinois, Malais, Indonésiens, etc.). Les contacts sont faciles à rencontrer et accueillants. Je ne demande pas s’ils ont un emploi susceptible de me convenir, mais s’ils peuvent m’indiquer quelqu’un qui serait intéressé par mon profil. Rapidement, j’ai jusque quatre rendez-vous par jour, sans compter les évènements sociaux le soir. Toutes les pistes sont bonnes : CDI bien sûr, missions, projets, transition… Les annonces n’apportent pas grand-chose, il faut se situer en amont, afin que le réseau constitue une maille suffisamment fine pour ne rien laisser passer. Quand les noms de contacts connus s’entrecroisent lors des rendez-vous, c’est que le réseau est mature : le moment est venu de laisser le quantitatif pour mieux cultiver les relations acquises.
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Ce départ est pour moi sans retour
En pratiquant ainsi, l’opportunité se présente un jour, au bout de deux mois, sous la forme d’une première mission qui me donne une expérience locale, et crédibilise mon parcours. La mesure, pour trouver un emploi, est de trois à six mois. L’investissement en vaut la peine, car ce départ est pour moi sans retour. Sans retour au pays, dont l’économie est régie par des mesures ineptes, quel que soit le parti au pouvoir ; sans retour dans l’ambiance de vaincus qui se développe en France – il y a des exceptions, sûrement. Le pire, quand on vit jour après jour dans ce contexte, c’est que l’on ne voit pas venir, à force de courber l’échine, le coup fatal. En Asie, on ressent tout de suite la différence : un grand souffle de fraîcheur et d’avenir.
*Rhizome : modèle descriptif dans lequel l’organisation des éléments ne suit pas une ligne de subordination hiérarchique où tout élément peut affecter ou influencer tout autre.
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